2) Les Creusois sur le front
A partir de l’ordre de mobilisation, les jeunes Creusois rejoignent leur régiment d’affectation avant de partir pour les frontières où ont lieu les premiers affrontements. Selon leur âge, les soldats sont affectés dans des catégories différentes

- de 20 à 23 ans, ils appartiennent à l’armée d’active. Ce sont les jeunes gens qui effectuaient leur service militaire en Août 1914
- puis dans la réserve d’actifs
- puis la territoriale
- et enfin, la réserve territoriale

D’abord employés pour des travaux ou la surveillance, les territoriaux sont envoyés sur le front quand les pertes deviennent trop lourdes.

Dans notre département, les jeunes hommes rejoignent essentiellement les régiments stationnés dans la région, en particulier le 78ème Régiment d’Infanterie dont un bataillon a sa caserne à Guéret. Le 63ème RI, le 138ème, 100ème et 126ème comptent également nombre de creusois. Le 91ème Régiment Territorial est basé à Guéret, d’autres soldats partent l’artillerie à Angoulême voire dans la cavalerie du 20ème Régiment de Dragons à Limoges.

Les régiments « creusois » sont très vite projetés dans le conflit et subissent d’effroyables pertes. La fin du mois d’Août voit nombre d’entre eux tomber. Après un départ de Guéret les 5 et 6 Août 1914, le 78ème Régiment d’Infanterie fait son baptême du feu en Belgique le 22 (le jour le plus sanglant). Après un premier repli, le 28 Août, le 78ème est engagé dans les combats de Raucourt et perd presque 1 000 hommes en une journée à l’orée du bois des Gerfaux. Le canton de Gentioux déplore alors ses premiers morts : Anatole LEGER, 20 ans et Jean MAGADOUX, 24 ans, de Gentioux.
Le 78ème R.I. a perdu, à l’image de toute l’armée française la « bataille des frontières ». Dés lors, le régiment est engagé dans toutes les grandes batailles de la Grande Guerre, il participe ainsi en Septembre 1914, à la bataille de la Marne où il perd à nouveau plusieurs centaines d’hommes. Il concourt à sauver Reims face à St-Léonard, près de la Pompelle.
En règle générale, les 4 premiers mois de la guerre font subir une véritable hécatombe. A titre d’exemple, un cinquième des morts de Gentioux tombent en 1914.
Au printemps 1915, le régiment combat en Lorraine dans le secteur de Régneville où il attaque au nord de Flirey là où la 5ème Compagnie du 63ème refuse de remonter au combat. Durant l’été de la même année, le 78ème est envoyé au Labyrinthe en Artois où il perd environ 1 000 hommes.
Verdun en 1916, la Champagne en 1917, l’Italie après la défaite de Caporetto, voient le 78ème combattre. Il ne reviendra d’Italie qu’en 1919.

Le 78ème R.I. illustre à lui seul, plusieurs aspects de cette guerre :
- les pertes considérables de l’infanterie parfois en une seule journée.
- La nécessité de recomposer les régiments très vite décimés.
Ainsi, si beaucoup de soldats creusois ont d’abord rejoint en Août des régiments « régionaux », ils sont très souvent affectés par la suite à d’autres unités. Par la seule commune de Gentioux, la soixantaine de soldats morts pendant la guerre appartenaient à une quarantaine de régiments.
- la rotation des régiments sur les principaux théâtres du conflit. A Verdun par exemple presque tous les régiments Français ont combattu. C’est aussi pour cette raison que Verdun est considéré comme la bataille de 1914-1918.

Enfin, le journal de marche du 78 montre bien le drame qu’ont vécu les soldats.

A sa lecture une question revient toujours : comment ont-ils pu tenir cet enfer ?
La discipline imposée aux soldats ne suffit pas à expliquer le consentement au combat. La solidarité au sein du groupe de combat, la certitude de combattre pour protéger sa famille, l’éducation patriotique, la fatigue…. Sont autant de réponses qui s’entremêlent pour penser le courage des poilus, autant d’éléments qui conditionnent leur retour au village, la guerre finie.

A suivre : LES CONSEQUENCES DE LA GUERRE POUR LA CREUSE