Jean-François BONNAFOUX est né à Guéret en 1801 et + en 1875 dans cette même ville.
En 1832 il est membre fondateur de la Société des Sciences naturelles et d'antiquités de la Creuse. Sous bibliothécaire puis bibliothécaire de la ville de Guéret, il exercera bénévolement le poste de conservateur du musée de Guéret, créé par la Société des Sciences, depuis l'origine de ce musée jusqu'en 1849, où, se trouvant en opposition avec Guisard, député-maire de Guéret et qui sera président de la Société des sciences de 1850 à 1859. A partir de 1848, Bonnafoux ne publie plus dans les mémoires de la Société. Il écrit des articles dans des journaux locaux, mais surtout, il écrit des cahiers manuscrits qui ne seront jamais publiés.
Dans ces cahiers, on trouve de nombreuses informations archéologiques et historiques, des relations de légendes et traditions populaires, des informations sur les sciences naturelles, mais aussi, éparses, des remarques, réflexions et notes sur le monde local qui l'entoure, principalement sous le second empire. Dans la plupart des cas, le bibliothécaire de la ville de Guéret écrit pour lui-même et par conséquent les jugements sur ses contemporains comme les anecdotes qu'il rapporte ne sont pas limités par une sorte d'autocensure. Il n'utilise pas "la langue de bois" ! Les propos que j'ai choisi de porter à votre connaissance sont une sorte de florilège permettant, par petites touches successives de mieux saisir la vie dans une petite préfecture de province de 5 000 habitants au milieu du XIXè siècle. Certains faits relatés sont très spécifiques : Bonnafoux met en doute la formation latine de ce conseiller de la préfecture de Guéret qui change en at les terminaisons en ac de certaines communes du département (Genouillac...). Il indique aussi les particularismes locaux de langage en contradiction avec la langue française, les croyances superstitieuses, les dictons locaux, les coutumes (sa relation d'un mariage paysan est une véritable étude ethnologique)... La présente communication ne pourra donner qu'un aperçu des riches informations contenues dans les écrits de Bonnafoux, regroupés en quelques thèmes.

La vie politique :

Jean-François Bonnafoux appartient à un milieu bourgeois cultivé mais peu aisé. Il est le premier conservateur du musée que la Société des sciences crée pratiquement dès sa fondation. Cette fonction est bénévole mais on peut soupçonner qu'il espère bien devenir le conservateur professionnel rétribué par la ville. Ses espoirs sont déçus car il s'oppose au député-maire républicain de Guéret, Sylvain GUISARD exerçant ses fonctions politiques après les évènements de 1848, ce qui contraint Bonnafoux de démissionner de son poste de conservateur en 1849, peu avant que Guisard ne soit remplacé à la mairie de Guéret par P. Cusinet. On pourrait penser que les opinions politiques de Bonnafoux sont la cause de cette opposition. Il semblerait plutôt qu'il s'agisse d'une querelle de personne car Bonnafoux n'était pas royaliste. Sur ce point, un de ses manuscrits, à propos des lions en granite de la Creuse, nous éclaire : "Nos bons seigneurs d'autrefois ne voulaient-ils pas imiter messieurs nos amis, les anglais, et montrer par ces symboles menaçants l'effet de leur puissance souveraine sur nous autres, pauvres manans ?..." (A207/15 p.2)

D'une manière générale, si un certain nombre de personnalités s'engagent politiquement au cours des divers bouleversements nationaux qui depuis la révolution française traversent la France, la plupart des guérétois ont une attitude passive, conscients de leur incapacité à avoir une quelconque influence sur ces évènements. Bonnafoux nous donne sur ce point une anecdote précieuse en rapportant le couplet composé par Marcellot, avocat à Guéret le 5 décembre 1852 pendant qu'on proclamait Napoléon III :"Air :
Depuis longtemps je tambourine
J'ai proclamé la République
J'ai vu proclamer l'Empereur
Sur la même place publique
En présence de maint farceur
Et si les alliés de la France
Nous ramenaient le gros Henri
Je l'proclamerai en présence
Des mêmes farceurs qui sont ici."
(A 207/16 p.45).

Cette cérémonie était présidée par le préfet de la Creuse, Ladreit de Lacharrière contre lequel fut dit un épigramme en avril 1853 :
"Ladreit de ladre est le diminutif,
Mais joint au nom de la charrière,
Il reprend sa valeur première,
Et vaut même un superlatif."
(A 207/16 p.45).

A suivre : les opinions de Bonnafoux sur les creusois entre eux.